La philosophie du magicien #8

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Cette dernière question rendait Pierre encore plus interrogatif.

Pierre :

Pouvez-vous m’expliquer ce que cela signifie ?

Les magiciens imaginent beaucoup de choses, voulez-vous dire?

Ronald :

Sans vous dévoiler mes secrets, je peux vous parler de ma philosophie.

Chaque magicien peut avoir la sienne, elle dépend de son apprentissage. Ces différentes formations permettent de nous différencier.

Les sages chercheront à être eux-mêmes, ils créeront leur propre univers dans lequel ils voyageront librement.

Les moins imaginatifs ne feront que les copier en voulant impressionner.

Pierre :

Je ne savais pas que la magie avait un aspect philosophique.

Ronald :

Justement c’est dans l’inconscient de l’esprit qu’il voyage, comme je vous l’expliquais, le magicien construit d’abord un rêve, appelé « l’élévation ». Il sert à plonger l’observateur dans un milieu trompeur. L’esprit de l’observateur se retrouve dans un labyrinthe, ce passe-passe le fait s’échapper du moment présent et perturbe sa conscience de la réalité.

Puis ensuite réalise le tour, appelé « l’acrobatie » ou « l’expérience », comme lorsque vous rêvez. Le magicien joue avec votre esprit, comme le ferait un potier avec la terre, lui donnant la forme que vous voulez bien interpréter. La conscience de l’observateur est focalisée par le magicien lui permettant de se glisser dans une réalité parallèle.

Et enfin le réveil du spectateur, que l’on nommerait « le dénouement » rendant le tour magique. Le spectateur n’ayant pas vu les opérations du magicien, découvre un résultat mystérieux. Comme pour le potier qui aurait façonné un vase sans y toucher.

Lorsque que je fais un tour d’illusionniste, ce n’est pas pour épater le public, mais pour le faire rêver. Ainsi dès que je suis dans  « l’élévation », je peux commencer à engager le public dans le tour comme dans un manège onirique, ce passage est en fait une illusion de l’esprit.

Mon but est précis, voyez-vous ? Je n’improvise pas ce que je fais, même si cela en donne l’impression.

Imaginez-vous que vous me regardez. Lorsque je fais le tour de disparition d’une pièce, je me mets dans la peau de différentes entités, à la place du propriétaire de la pièce et à la place des regards.

Ma conscience se sépare ensuite de ces regards en restant aussi neutre que possible. Elle se divise si l’on peut dire, et je la mets à disposition de ceux qui observent le tour.

Ainsi ces opérations me permettent de faire disparaitre les choses, et je les fais réapparaitre où je veux. Celui qui m’observe ne peut donc pas voir ce que j’arrive à faire, il ne peut pas voir mon secret. La déconcentration des participants facilite d’autant plus le tour.

La pièce de monnaie est un peu comme ma présence, elle est trompeuse, telle une ombre en plein jour, le soleil au zénith. Comment « ici » expliquer cette présence obscure ?

Pierre :

Et cela marche? Une présence obscure ?

Ronald :

Seraient-ce donc seulement des mécanismes ?

L’illusionnisme pourrait être vu comme tel, mais la magie n’est pas un mécanisme banale, la magie dépend de l’humain.

C’est la conscience de ce que fait le magicien qui détermine la réussite du tour. Contrôler ce que l’on ne voit pas, ce qui nous tourne le dos, ce qui se cache. Nous sommes tous observés par cette autre face que nous pouvons maitriser.

Comme dans un rêve, le temps s’arrête et le magicien réussit à se glisser dans un espace temporel très précis qu’il contrôle, dans lequel personne ne peut le voir. Lorsqu’il utilise des pouvoirs magiques, il pratique une science oubliée.

Il décrit l’univers dans lequel il veut évoluer, lui permettant de réaliser des choses incroyables. Il courbe ainsi la réalité, rendant réel ce qui pourrait paraitre irréalisable. D’un regard extérieur cela est incompréhensible, alors qu’en fait, il applique les lois de l’univers, maître de son art.

Et enfin le public, dans le meilleur des cas, après le dénouement, une fois le tour réussi, peut applaudir l’œuvre de l’artiste.

C’est un long apprentissage car il faut une forte confiance en soi, et aimer infiniment ce que l’on fait. Rester humble importe pour pratiquer la magie. L’orgueil n’a pas sa place ici.

La patience et le travail sont les maîtres mots de cette activité, les plus grands vous le diront. Le mental se travaille pour obtenir satisfaction, afin d’aboutir à un contrôle parfait.

 

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